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Le 25/10/2023

Recherche et innovation

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AMIKINHAL – PHRC promu par le CHRU de Tours
porté par le Pr Stephan Ehrmann – Médecine intensive-Réanimation, CHRU de Tours,
Inserm UMR 1100 – CEPR – Centre d’Etudes des Pathologies Respiratoires

L’étude Amikinhal est une étude promue par le CHRU de Tours, menée entre 2017 et 2021, incluant 850 patients, mobilisant 19 services de réanimation en France et dont l’objectif est de faire baisser le taux d’infections nosocomiales pulmonaires chez les patients pris en charge en réanimation. Le Pr Stephan Ehrmann du service de Médecine Intensive Réanimation a coordonné ce projet qui a évalué l’efficacité d’un traitement antibiotique préventif administré par inhalation. Ces travaux s’inscrivent dans la continuité d’une  recherche translationnelle menée par les cliniciens du CHRU de Tours, en lien avec les chercheurs de l’Université de Tours et de l’Inserm.

Les résultats ont été publiés le 25 octobre 2023 dans The new England Journal of Medicine.

Amikinhal : une étude pour faire chuter le nombre d’infections nosocomiales en réanimation
Les pneumonies nosocomiales sont un fléau mondial qui touche des millions de patients chaque année. Les patients dont l’état de santé nécessite une intubation sont particulièrement vulnérables aux infections nosocomiales pulmonaires. Les patients pris en charge en réanimation ont fréquemment besoin d’une assistance respiratoire, les équipes ont alors recours à la ventilation mécanique qui nécessite la pose d’une sonde d’intubation. Cette sonde, bien qu’indispensable, affaiblit les défenses du poumon contre les infections. Ainsi, il est possible que survienne une infection pulmonaire (pneumonie) secondairement à cette baisse des défenses. Il s’agit d’une pneumonie dite acquise sous ventilation mécanique qui fait partie des infections nosocomiales (infections qui surviennent à l’hôpital).
L’objectif d’Amikinhal était de prouver qu’un traitement antibiotique préventif, administré par voie inhalée (l’inhalation, en délivrant le médicament directement dans les poumons, permet d’obtenir des concentrations pulmonaires d’antibiotique très élevées), réduisait la survenue de ces pneumonies acquises sous ventilation mécanique. Pour cela, 850 patients intubés et sous respiration artificielle ont été inclus dans 19 services de réanimation d’hôpitaux français. Au 3ème jour d’intubation, les patients recevaient par voie inhalée, à l’aide d’un nébuliseur à membrane vibrante, un antibiotique, l’amikacine, ou un placebo, durant 3 jours consécutifs… Les équipes en charge du patient ignoraient quel traitement lui était administré (étude en double aveugle).

Amikinhal, les résultats
Après 3 jours de traitement antibiotique préventif, les patients ayant reçu de l’amikacine présentaient moins de pneumonies (seuls 15% des patients développaient une pneumonie dans le groupe amikacine inhalée vs. 22% dans le groupe placebo) et pas d’effets secondaires par rapport aux autres patients. Au total, moins de 2% des patients ont souffert d’un effet indésirable lié à l’étude. L’inhalation d’amikacine à aussi permis de réduire la survenue d’événements associés à la ventilation (baisse de l’oxygénation nécessitant des modifications du réglage du ventilateur).

Les infections nosocomiales en réanimation
Les infections nosocomiales touchent 5% des patients hospitalisés malgré les précautions mises en oeuvre par les professionnels de santé. Les patients de réanimation sont à risque élevé, 20% d’entre eux développent une infection nosocomiale en moyenne à l’échelle nationale, la prévalence n’est que de 6% dans les services de médecine conventionnels. Outre l’âge, une immunodépression et les pathologies chroniques, la présence de dispositifs médicaux invasifs constitue un facteur de risque majeur. Ainsi, en réanimation, les pneumonies nosocomiales acquises sous ventilation mécanique représentent l’infection nosocomiale la plus fréquente. La survenue d’une pneumonie chez un patient intubé prolonge la durée durant laquelle le patient sera placé sous respiration artificielle, cela prolonge la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital, retardant la guérison et la rééducation. Une mortalité attribuable jusqu’à 13% a été rapportée. Les coûts associés à la survenue d’une pneumonie sous ventilation sont très élevés.

Amikinhal en bref
> Essai multicentrique randomisé, contrôlé en double aveugle évaluant l’amikacine inhalée versus placebo dans la prévention de la pneumonie acquise sous ventilation mécanique.
> plus grande étude clinique évaluant un traitement inhalé jamais réalisée en réanimation en nombre de patients
– 19 services de réanimation en France,
– 850 patients sous respiration artificielle
– Durée : 3,5 années

janvier 2017 : autorisations règlementaires,
juillet 2017 : première inclusion
mars 2021 : dernière inclusion
novembre 2022 : analyses des données
(après les opérations de contrôle qualité)
octobre 2023 – publication des résultats.

– Implication du réseau de recherche clinique CRICS-TriggerSEP (labellisé par la plateforme de structuration de réseaux nationaux de recherche clinique FCRIN) et du réseau Reva.
– L’étude a été financée par le Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) du Ministère de la Santé et la Prévention.

Zoom sur le déroulement d’une étude
Les résultats de cette étude multicentrique s’inscrivent dans la continuité de travaux de recherche menées sur plusieurs années. Le temps de développement d’une nouvelle modalité thérapeutique est très long. Il faut s’assurer de l’innocuité, de la faisabilité de l’administration tant sur les points techniques que pratiques (études de phase I et II sur l’amikacine inhalée qui ont été menées à Tours). Les résultats de l’étude de phase III, publiés aujourd’hui sont l’aboutissement d’un programme de recherche conduit sur le long terme. La conduite de l’étude multicentriques en elle-même prend plusieurs années : de la conception du projet, l’obtention du financement puis des autorisations règlementaires, l’inclusions des patients durant 3 ans et demi, le contrôle qualité des données, jusqu’à l’analyse puis la rédaction et l’acceptation pour publication du manuscrit plus de 8 ans se sont écoulés.

Pour le Pr Stephan Ehrmann, coordonnateur de l’étude et investigateur principal, c’est une expérience géniale de mener des études de recherche clinique que nous pourrons partager avec des collègues du monde entier et dont on sait qu’elles auront un impact direct sur la prise en charge de nombreux patients. En effet, réduire la survenue des pneumonies nosocomiales chez les patients de réanimation c’est avoir un vrai impact, en réduisant la survenue d’une complication grave qui retarde l’extubation des patients, prolonge la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital et grève le pronostic. C’est un sujet qui me passionne depuis longtemps, ma thèse de médecine portait déjà sur l’inhalation d’amikacine.