Le 21/06/2022
Recherche et innovation
La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot est la plus fréquente des maladies rares : on estime que chaque jour, plus de 4 nouveaux cas sont diagnostiqués en France. En Europe, une étude récente a même montré que le nombre de nouveaux cas de patients atteints par la SLA était supérieur à celui du nombre de nouveaux cas de sclérose en plaques (SEP). La différence de durée d’évolution entre les deux maladies, bien plus longue dans la SEP explique qu’à un instant donné plus de patients (nouveaux plus ceux déjà diagnostiqués) sont atteints de SEP que de SLA. Pour autant, la recherche progresse. La journée du 21 juin est l’occasion de faire un point sur les dernières avancées en matière de recherche.
Des avancées en matière de recherche : vers un diagnostic plus précoce
Au début du mois de juin s’est tenu à Edimbourg le congrès européen ENCALS qui a réuni plus de 600 chercheurs et cliniciens travaillant sur la SLA.
Ce premier congrès post-Covid (après s’être tenu à Tours en 2019) a porté sur la physiopathologie, la génétique, la clinique et la thérapeutique. Les chercheurs ont tous l’objectif commun d’une prise en charge précoce et personnalisée de la SLA pour pallier au problème d’errance diagnostique et d’impasse thérapeutique (un seul traitement autorisé : le Riluzole).
Parmi les éléments marquants : la reconnaissance d’une phase « immergée » de la maladie, cliniquement muette mais déjà active d’un point de vue biologique : cette période présymptomatique composée d’une phase cliniquement silencieuse et d’une phase prodromale précède l’entrée dans la maladie. La phase présymptomatique est identifiée dans une population parfaitement ciblée composée d’apparentés de patients atteints de SLA liée à une mutation génétique qui était trouvée chez certains de leurs parents.
Les premiers résultats d’une étude réalisée au sein d’une population d’individus présymptomatiques ont été présentés. Ces individus ont fait l’objet d’un suivi clinique, biologique et d’imagerie régulier et le dosage de certains neurofilaments (la chaine légère des neurofilaments : Nfl) dans le sang a mis en évidence une élévation de la concentration de NFL en présymptomatique, laissant penser qu’il serait donc matériellement possible de diagnostiquer la SLA plus tôt.
Il faut moduler cette avancée majeure par le fait que cela n’est possible pour le moment que dans une population infime de la population : les apparentés des patients SLA chez qui une mutation a été identifiée, c’est-à-dire 10% de la population globale des cas de SLA. En effet, pour un individu sans élément d’alerte comme l’existence d’une mutation, il n’y a aucun moyen de dépister cette phase pré-symptomatique car il est inconcevable de doser tous les mois chez tous les individus la concentration de NFl. Néanmoins, plusieurs équipes cherchent à identifier parmi ces sujets des éléments d’alerte fiables, d’accès simple et non traumatique qui permettront de faire un diagnostic plus précocement.
Cette journée mondiale permet également de saluer l’action des Centres SLA regroupée en France dans une filière maladie rare, FILSLAN. Tours, est l’un des 7 CHU hébergeant un centre de Référence (CRMR) pour la SLA. Ce centre diagnostique chaque année entre 75 et 90 nouveaux cas de SLA et prend en charge plus de 230 patients atteints par la SLA.
Le centre de Tours a également coordonné une étude nationale sur les corrélations phénotype-génotype des patients SLA publiée en 2021 (Corcia et al., 2021) ainsi que des études métabolomiques promues par le CHRU de Tours (METABOCALS, METABOMU).
Le CRMR coordonne une prise en charge régionale qui s’appuie sur le travail du réseau régional NeuroCentre, des équipes des unités de Soins Palliatifs hospitalières et départementales, des prestataires de santé et du Service de Biochimie et Biologie moléculaire du CHRU qui coordonne l’axe génétique de la filière SLA FILSLAN.
Le CRMR de Tours participe à plusieurs essais thérapeutiques évaluant des molécules dont les premiers résultats sont très encourageants et développe en parallèle une activité de recherche importante au sein de l’unité de recherche UMR 1253 iBrain, Université de Tours, Inserm sur plusieurs thématiques notamment : la recherche de facteurs génétiques favorisant la SLA, l’identification de marqueurs métaboliques dans les fluides biologiques (sang, urine, liquide cerebro spinal, larmes) permettant d’aider au diagnostic/pronostic avec le déploiement de l’Intelligence Artificielle, et le développement de nouvelles approches thérapeutiques (petites molécules, approches intracorps (LabEx MAbImprove, ARD2020 CVL et ARN) ciblant différents protéines comme TDP-43 (Lanznaster et al., 2022). Le centre SLA de Tours travaille également avec les acteurs Siences humaines et sociales de l’université afin de proposer de nouveaux axes de recherche en lien avec une prise en charge non médicamenteuse adaptée. Tours fait partie de deux réseaux européens majeurs, le réseau Mine qui regroupe la majorité des centres impliqués dans les études génétiques, et dont l’objectif est d’identifier tous les facteurs génétiques impliqués dans la survenue de la SLA (quelques travaux collaboratifs récents : Hop et al., 2022 ; van Rheenen et al., 2021). Tours fait aussi partie du réseau TRICALS qui promeut la recherche de nouvelles molécules pour traiter cette pathologie.
En 2022, la SLA reste une maladie au pronostic sombre mais la période post-Covid est riche en innovation scientifique dans tous les domaines de recherche de la SLA. La recherche thérapeutique n’a peut-être jamais été aussi intense avec plus de 90 essais internationaux actuellement en cours. Il n’est toujours pas envisageable de dire que la SLA sera guérie dans les prochaines années, il faut toutefois considérer que ces prochaines années verront notre niveau de compréhension des mécanismes physiopathologiques et notre capacité à traiter mieux encore les patients atteints de SLA grandement améliorées.